Les chroniques Chez Auguste

La fontaine de Guy

Partie 1

Toujours le même chemin bordé de vieux platanes, à l’endroit exact où il se sépare en deux, on fait une halte le temps d’observer le va et viens des camions des charpentiers.

Là-haut, chez Auguste un toit nouveau se dessine. En bas la murette du château de la belle au bois dormant va finir par tomber sur la route. Les racines des séquoias ont décidé de passer outre, la nature se répand, il faut dire qu’ici elle a tous les droits.

Entre les deux, la maison de Guy. Elle n’est pas toute jeune et le toit aurait bien besoin d’un coup de neuf, les murs aussi... La cheminée fume en attendant son retour. Le garçon est dans son champs, un gilet orange de la DDE sur le dos, on ne peut le louper, il jardine, les petits pois peut être !

Le garçon est plutôt un vieux garçon de presque 68 ans. On lui en donnerait beaucoup moins. Grand, mince, blond et aucun cheveux blancs pas une ride non plus. Un enfant qui n’a jamais grandi.

Ça n’a pas toujours été très facile. Il vit enfin sa meilleure vie, avec son chat et ses souvenirs dans sa maison de famille. Celle du milieu, près de la fontaine romaine où jadis sa mère et les autres femmes du quartier de « Las Beasos » lavaient le linge.

Claudine, Georgette, Jacqueline, Marie Louise dite Malou, Guy. Il est le petit dernier après tant de filles. Sa maman Odette était jeune et jolie quand elle a épousé le vieil Eloi. Lui, il avait des petites lunettes et parlait d’une façon crispée en serrant fort les dents, son dentier était capricieux et menaçait de s’échapper de la bouche !

Alors il était cocu et cela ne gênait personne, pas même lui.

Le lundi après-midi, après le marché, tandis qu’Eloi s’attardait dans les champs, soit son beau-frère soit le Penin, un autre vieux du village voisin et puis ceux que l’on ne sait pas, venaient rendre hommage à la belle à la cuisse légère.

Quant Eloi est mort Guy était tout petit, il n’a pour ainsi dire jamais connu ce père qui certainement ne l’était pas !