Les gardiens de la mémoire
Mener l'enquête au cœur de la famille
Dans toutes les familles, il y a des passeurs de mémoire, ils racontent, ils continuent à faire entendre les voix de nos ancêtres. Ainsi, elles traversent les années, les siècles parfois. Ils sont ce que je nomme « les mémoires vives », ceux qui transmettent, les gardiens du souvenir.
Pour raconter son histoire familiale, retracer l’histoire d’une personne, il est primordial de rencontrer ces précieuses personnes et prendre le temps de les écouter, de les questionner, pourquoi pas les enregistrer et ensuite retranscrire les propos le plus fidèlement possible.
Elles sont les réceptacles des mémoires passées, se souviennent d’évènements, de la parole de leurs ainés, elles sont aussi dépositaires des légendes. Les fameuses légendes familiales, celles dont il est difficile de démêler le faux du vrai, l’exagération de l’emphase et la dissimulation de l’euphémisme. Et pourtant ! Ce qui reste longtemps après.
Ce qui est certain c’est que la base est bonne, le terreau fertile, et les fondements solides, alors partir sur le principe de vérité : tout ne sera pas vérifiable, tout ne sera pas vrai et pourtant il y aura bien ce petit bout de vérité exploitable.
Retracer une vie c’est mener l’enquête, récolter la parole, recouper les informations, interpréter les hypothèses quand c’est possible. S'armer de patience et de perspicacité.
Retournons à ce cher grand-oncle Jean Baron : ma grand-mère répétait ce que déjà, sa mère racontait avant elle, que Jean pouvait être le soldat inconnu. Une autre fois, elle racontait qu’il aimait jouer aux cartes, qu’il avait pu faire les frais d’un règlement de compte dans un bas-fond parisien, qu’il était toujours à cours d’argent, plus récemment j’ai aussi entendu que mon arrière-grand-mère l’aurait fait rechercher par la Croix Rouge.
Voilà ce que les mémoires vives m’ont confié, répété jusqu’à ce que je me penche sérieusement sur le cas Jean B. et que je me décide à vérifier.
Jean B. a disparu durant l’été 1912, comment pouvait-il devenir le soldat inconnu qui réside pour l’éternité sous l’arc de triomphe ? Pour cela, il aurait fallu que quelqu’un sache qu’en 14-18, il était bien au front. Ou alors, il n’avait pas peut-être pas vraiment disparu en 1912 !
Jean B. est décédé quelques années plus tard, en 1927, à Melun, il a été amené à l’hôpital où il n’a pas survécu. Dans quelles circonstances ? Il est mentionné sur son acte de décès, que j'ai récupéré depuis peu, qu’il était seul, SDF. Quelqu’un en savait-il davantage ? Sur les cartes, les jeux d’argents ?
Toujours est-il que dans les papiers de famille, il existe une reconnaissance de dette en faveur de sa sœur, des lettres aussi, qui parlent d’argent.
Et puis dernièrement, au cours d’une conversation, on me dit qu’il a été recherché, par la Croix Rouge, mon arrière-grand-mère aurait fait la démarche. Après-guerre, La Croix rouge était un organisme qui se chargeait « des recherches dans l’intérêt des familles » mais aucun dossier ne semble avoir été déposé.
Dans chacun des éléments cités, un souvenir perdure, un fond de vérité subsiste.
A partir de là, chercher le soubassement, le terreau qui a fait l’histoire de Jean B.
Se rapprocher de la vérité, contourner le secret, laisser une place à la légende ... écrire et peut être enfin apprendre à jouer aux cartes.
Dans le prochain billet, il est temps que je vous propose un petit jeu.
ENTRE MES LIGNES
Sandrine Dastarac
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